Le Merian Institute for Advanced Studies in Accra (MIASA) a organisé les 27 et 28 novembre 2024, une conférence sur le thème de la durabilité dans le secteur minier en Afrique de l’Ouest. Cette rencontre, tenue à l’Université du Ghana, a rassemblé une soixantaine de participants, incluant des professeurs d’universités, chercheurs, représentants d’organisations de la société civile (OSC), et experts économiques, sociaux et politiques venus d’Afrique (Burkina Faso, Guinée, Sénégal, Ghana) et d’Europe (Allemagne, France, Suisse, Suède). L’objectif principal était d’explorer les dimensions de la durabilité dans le système mondial d’exploitation des ressources, avec un accent particulier sur l’EMAPE en Afrique de l’Ouest, tout en contribuant aux Objectifs de Développement Durable (ODD).
Déroulement de la conférence : La conférence a été structurée autour de panels, de tables rondes, de la projection d’un film sur la mine de Kalsaka au Burkina Faso, et d’une visite d’un site minier semi-mécanisé dans l’est du Ghana. Ces activités ont mis en lumière les multiples défis de l’exploitation minière, qu’elle soit artisanale ou industrielle. Parmi les problématiques abordées figuraient :
- La gouvernance des ressources minières,
- Les impacts environnementaux, économiques et sociaux,
- Les enjeux règlementaires et le commerce illicite de l’or.
Le film de Michel Zongo sur Kalsaka Mining a révélé les conséquences désastreuses d’une fermeture non réhabilitée d’une mine au Burkina Faso. Il a exposé des fosses ouvertes, des bassins de cyanure contaminant les sols et les nappes phréatiques, et l’absence de compensation équitable pour les populations locales. Cette situation illustre l’inefficacité des mécanismes de gestion des sites miniers abandonnés et soulève des questions sur la durabilité économique et écologique post-exploitation.
La visite à Kibi Gold Field, dans l’Est du Ghana, a permis aux participants de découvrir un exemple de transition réussie d’une exploitation artisanale vers une mine semi-mécanisée de taille moyenne. L’entreprise se distingue par ses efforts en réhabilitation environnementale, incluant le reboisement et la restitution des terres réhabilitées aux communautés locales, ainsi que par l’utilisation de techniques écologiques telles que des sluices gravimétriques sans produits chimiques. Malgré un effectif de 260 employés, avec seulement 5 % de femmes, la mine tente d’inclure leurs préoccupations dans les infrastructures sociales et les compensations, bien qu’aucun mécanisme spécifique ne soit en place. Les défis persistent, notamment la cohabitation avec des exploitants illégaux et des conflits fonciers, mais la mine affiche une ambition d’expansion et de durabilité dans ses activités.
Défis liés à l’exploitation minière en Afrique de l’Ouest
Exploitation artisanale et illégale : le cas des galamsey : Le phénomène des galamsey (exploitation artisanale illégale) au Ghana et dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest (Burkina, Mali, Senegal,..) incarne un dilemme majeur : faut-il interdire ou encadrer ces activités en Afrique de l’Ouest ? Une interdiction pure et simple pourrait protéger l’environnement mais marginaliserait des millions de personnes vivant de cette activité, risquant d’exacerber les tensions sociales et les pratiques clandestines. Une approche pragmatique privilégierait un encadrement strict, permettant de formaliser davantage l’exploitation, d’introduire des normes environnementales, d’améliorer les conditions de travail et de générer des revenus pour l’État. Cette démarche s’inscrit dans une vision de développement durable qui protège les communautés tout en préservant l’environnement.
Gouvernance minière et durabilité : La mauvaise gouvernance reste un frein majeur à la durabilité dans le secteur extractif. En Afrique de l’Ouest, les impacts négatifs de l’exploitation minière incluent :
- Une faible application des textes règlementant les normes environnementales, entraînant une dégradation des écosystèmes et des pollutions sévères.
- Une redistribution inéquitable des revenus miniers.
- Le déplacement forcé des populations locales, aggravant leur précarité.
- L’exclusion des femmes et des jeunes des chaînes de valeur minières, limitant le développement inclusif.
- Une absence de stratégies claires pour une transition post-minière, compromettant l’héritage pour les générations futures.
Ces défis interrogent la viabilité de l’exploitation minière intensive, poussant certains participants à proposer une pause ou une meilleure régulation pour protéger les ressources et les communautés.
Rôles et responsabilités des acteurs : Les discussions ont conduit les participants à déduire que tous les acteurs du secteur extractif partagent une part de responsabilité dans les défis actuels :
- États : Faiblesse des régulations et manque de volonté politique pour encadrer les exploitations artisanales. Les gouvernements peinent également à sensibiliser et soutenir les artisans miniers dans des démarches formalisées.
- Compagnies minières industrielles : Leur faible contribution au développement socio-économique local contraste avec les profits réalisés, et elles négligent souvent la réhabilitation progressive des sites exploités.
- Communautés locales : Vulnérabilité accentuée par l’ignorance des lois, l’analphabétisme et une mobilisation limitée face aux abus des industries minières.
- OSC et ONG : Insuffisance des actions de sensibilisation et d’accompagnement des communautés affectées, avec parfois des manipulations qui alimentent des conflits ; manipulation des communautés…
- Chercheurs : insuffisance de communication sur les produits de leurs travaux et leurs solutions innovantes pour une exploitation durable.
- Institutions internationales : Soutien insuffisant aux populations et artisans miniers, ainsi qu’à la structuration des secteurs artisanaux.
Recommandations clés
- Renforcer la gouvernance minière en Afrique : respecter simplement les lois, simplifier les procédures d’octroi de permis pour les artisans miniers, et intégrer davantage les chercheurs dans l’élaboration des politiques publiques.
- Encadrer l’exploitation artisanale : Mettre des programme de formalisation du sous-secteur artisanal pour en limiter les impacts négatifs et améliorer les conditions de travail. Cela inclut la création d’espaces dédiés et le soutien financier des bailleurs.
- Améliorer les pratiques environnementales : Introduire des technologies minières sans mercure, mettre en œuvre des programmes de reboisement, et instaurer des mécanismes d’assainissement des cours d’eau.
- Promouvoir l’inclusion sociale : Renforcer la participation des femmes et des jeunes dans les chaînes de valeur minières, tout en sensibilisant les communautés à leurs droits et devoirs.
- Soutenir la recherche : Encourager la diffusion et l’utilisation des résultats de recherches pour orienter le secteur extractif vers des pratiques durables.
- Partager les bonnes pratiques : Créer des mécanismes de partage des connaissances et des expériences réussies entre pays et acteurs.
Conclusion : L’exploitation minière en Afrique de l’Ouest, qu’elle soit artisanale ou industrielle, joue un rôle clé dans le développement économique des régions concernées, notamment en termes d’emploi et de revenus pour les communautés locales. Cependant, les défis liés à la durabilité environnementale, sociale et économique restent importants.
Les impacts négatifs – destruction des terres agricoles, pollution des eaux, absence de réhabilitation des sites miniers – compromettent l’avenir des populations locales. L’absence d’alternatives économiques viables aggrave cette situation, nécessitant une approche plus inclusive et durable pour maximiser les bénéfices des activités minières tout en minimisant leurs conséquences négatives.
L’intégration de solutions innovantes, soutenues par des politiques inclusives et des partenariats entre États, chercheurs, OSC, et institutions internationales, est essentielle pour garantir un avenir durable au secteur extractif en Afrique de l’Ouest.
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